Particularités de la repolarisation chez le footballeur noir africain de haut niveau
Abstract
Problématique : La pratique régulière d'exercice physique d'intensité modérée a un bénéfice certain sur l'organisme en général et sur le système cardiovasculaire en particulier. Les modifications observées à long terme ont une traduction clinique et paraclinique et sont fonction du type d'exercice et de la durée de pratique. Parmi les examens permettant leur mise en évidence figure l'électrocardiogramme (ECG). Des particularités électrocardiographiques liées à la race ont été déjà signalées. L'objectif de ce travail est d'étudier l'ECG de footballeurs noirs Africains en comparaison avec des sédentaires du même âge en se focalisant sur la repolarisation. Méthodologie : L'enregistrement des ECG s'est déroulé au laboratoire de Physiologie de la faculté de Médecine de l'Université Cheikh Anta DIOP de Dakar. Les footballeurs sont issus des clubs de ligue 1 sénégalaise et de l'équipe nationale composée de professionnels. Les sédentaires sont des jeunes issus des quartiers de Dakar ne pratiquant pas de sport régulièrement et n'exerçant pas de travail de force. Chaque sujet a bénéficié d'un enregistrement des 12 dérivations classiques (6 périphériques et 6 précordiales) après un examen clinique normal. L'ordre de passage est fonction de la disponibilité des clubs et des sédentaires ayant accepté de participé à l'étude. La lecture des tracés a été d'abord réalisée par un étudiant en Médecine initié dans ce sens puis reprise par un médecin cardiologue. Les données consensuelles ont été retenues. L'analyse statistique a été réalisée sur Sigma Stat 3.0 et a porté sur 11 dérivations (5 périphériques, aVR exclue et 6 premières précordiales c'est-à-dire de V1 à V6). Les données sont exprimées en moyennes plus ou moins écart-types. Les moyennes obtenues sur le segment ST (sus ou sous décalage) et sur l'onde T (négativité ou bifidité) ont été comparées entre sédentaires et footballeurs grâce à une ANOVA (analysis of variance) pour mesures répétées. En cas d'échec du test normal, il est automatiquement remplacé par une ANOVA pour mesures répétées sur Rank. En utilisant le z-test, nous avons aussi comparé les pourcentages recueillis au niveau de chaque dérivation présentant les modifications sus citées. Les valeurs respectives de la fréquence cardiaque (FC), du QT mesuré (QTm) et QT corrigé (QTc) ont également fait l'objet de comparaisons à l'aide du t test apparié. Le seuil de significativité retenu est de p inférieur à 0,05. Résultats : L'âge moyen des sédentaires et des sportifs est comparable soit 24,96 plus ou moins 3,90 (extrêmes 18 et 33 ans) et 23,98 plus ou moins 3,76 (extrêmes : 17 et 35 ans) respectivement avec p égal 0,29. La fréquence cardiaque moyenne de repos des sédentaires est significativement plus élevée, comparée à celle des footballeurs (p inférieur à 0,001). Les valeurs moyennes respectives sont de 70,94 plus ou moins 9,42 battements/min (extrêmes : 54 et 100) et 58,17 plus ou moins 9,11 battements/mn (extrêmes : 40 et 81). Le sus-décalage du segment ST a été observé sur l'ensemble des dérivations étudiées sauf en aVF chez les footballeurs. Il n'y a pas de différence significative entre les groupes lorsque tous les pourcentages sont considérés en même temps (p égal 0,3). En revanche une différence apparaît pour les dérivations aVL, D3 et V1 prises isolément avec prédominance chez les sédentaires en D3 uniquement. Le sous-décalage a été enregistré au niveau du territoire inférieur (D2, D3, aVF) et en V1 et V2 sans aucune différence entre groupes. Il y a plus d'ondes T négatives supérieur ou égal 2 mm chez les footballeurs (p inférieur à 0,001). Elles sont retrouvées partout dans ce groupe sauf en D1 alors qu'elles n'existent qu'en D3 chez les sédentaires. Sans tenir compte de l'amplitude des ondes T négatives, elles intéressent alors tout le territoire inférieur chez les sédentaires ; la différence toutes dérivations confondues est significative en faveur des sportifs (p égal 0,012). Les proportions d'ondes T bifides et de repolarisations précoces ne sont pas statistiquement différentes entre les 2 groupes. Le QTm est significativement supérieur chez les footballeurs alors qu'il n'y a plus de différence significative après correction selon la formule de Bazett. Conclusion : Notre étude suggère que l'entraînement au football chez le sujet de race noire induit des modifications sur le plan cardiaque avec traduction électrocardiographique. Parmi ces modifications figurent la baisse de la FC et son corollaire l'allongement du QTm. Par ailleurs, cet entraînement accentue le nombre et l'amplitude des ondes T négatives. Il influence ainsi de manière significative la repolarisation. Une étude sur des échantillons de populations plus larges comparant en même temps des sujets de races différentes permettrait de mieux asseoir ces résultats